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» Un jour il (de Malesherbes) fait prévenir mon père que le lendemain il donnera l’ordre d’enlever ses papiers et ses cartons. Diderot bouleversé court chez lui.

» Ce que vous m’annoncez là me chagrine horriblement. Comment en vingt-quatre heures déménager tous mes manuscrits ? Et surtout trouver des gens qui veuillent s’en charger et le puissent avec sûreté ?

» — Envoyez-les tous chez moi, répond M. de Malesherbes ; on ne viendra pas les y chercher.

» Ce qui fut exécuté et réussit parfaitement. »

On n’en croit pas ses yeux en lisant ce passage, et il faut l’évidence écrasante de ce témoignage direct pour qu’on ne soit pas tenté de douter d’une aberration pareille. On comprend d’ailleurs qu’après ces aimables procédés les coryphées de l’impiété ne ménageassent point à Malesherbes les compliments ; Grimm, entre autres, va jusqu’à dire : « Il favorisait avec la plus grande indifférence l’impression et le débit des ouvrages les plus hardis. Sans lui, l’Encyclopédie n’eût vraisemblablement jamais osé paraître. » Mais comment s’étonner de ce langage, quand Gaillard, l’ami de Malesherbes et son biographe, ou plutôt son panégyriste en 1805, après la terrible expérience de la Révolution, écrit : « C’est sous ces auspices qu’a paru le plus beau et le plus vaste monument de notre siècle et de tous les siècles, l’Encyclopédie. »

J.-B. Dubois, autre ami de Malesherbes et son premier biographe[1], dit de son côté : « Il ne dépendait pas

  1. Notice historique extraite du Magasin Encyclopédique, 2e édit. sans date, 3e en 1806.