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sance avec l’auteur par la lecture de ses ouvrages, et je fus bientôt détrompé. Mon épouvante fit place à l’estime, à la sympathie, à l’admiration profonde du disciple vis-à-vis du maître dont il se plaît à recueillir les renseignements. Depuis lors, les écrits du philosophe savoisien n’ont plus quitté ma table côte à côte avec ceux de Bossuet, Lacordaire, Bourdaloue, Dante, Virgile etc, non loin des œuvres glorieuses de ces génies, mes autres maîtres en littérature, Boileau, La Fontaine, La Bruyère, Lamartine, etc. J’ai relu, depuis quelques mois surtout, et je ne me lasse pas de relire cet admirable volume des Considérations sur la France, écrit en 1794, pendant la première révolution, et dans lequel les rapprochements sont si frappants. En laissant de côté la question politique, et lisant de Maistre avec l’impartialité d’un esprit dégagé de passion et faisant la part des idées de l’auteur, de ses convictions, de ses répulsions, qui s’expliquent par l’horreur de tant d’effroyables carnages dont il fut le témoin presque oculaire, on ne peut assez admirer cette hauteur de vues, cette élévation rare de pensées et cette prodigieuse faculté d’intuition qui ressemble à la divination, et font de ce volume, si fortement pensé, le bréviaire de l’homme d’état et du philosophe.

Ce qu’on aime surtout dans J. de Maistre, c’est l’absence de toute recherche littéraire, le dédain de la phrase et des artifices du langage qui ne nuit en rien à la vivacité comme à la propriété de l’expression. Verba trahunt ! Sa pensée va droit au but sans détours, sans ambages, et trouve naturellement et spontanément son moule et ce moule est d’airain. Rien de plus extraordi-