Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

œuvres, enfouies dans la poussière des bibliothèques, au bout d’une moitié de siècle, étaient à peu près inconnues de la foule, lorsqu’un critique éminent mit d’aventure la main sur ce trésor où l’or pur par malheur est trop mélangé de minerai, et appela sur lui l’attention des contemporains. La mémoire de Schakespeare est maintenant un culte, culte poussé parfois jusqu’à l’idolâtrie, même dans notre France, qui se glorifie de Racine, de Corneille, de Molière, etc. Cette étrange destinée de l’auteur d’Hamlet et de Macbeth qui fut, hélas ! celle de tant d’autres illustres dans les lettres comme dans les arts, elle a pesé quelque temps sur Joseph de Maistre dont la renommée peut-être en souffre encore. Cet étranger, l’un des plus grands écrivains de la France, dont il a reçu par le droit du génie ses lettres de grande naturalisation, n’est-il pas moins populaire chez nous que son frère Xavier, le très spirituel auteur de ces chefs-d’œuvre microscopiques, le Lépreux, la jeune Sibérienne, le Voyage autour de ma Chambre (sauf réserves) ? Il est vrai, et nous devons le dire, l’ainé des de Maistre, emporté par l’ardeur de ses convictions et l’essor tout puissant de son génie au vol d’aigle, s’élève parfois à d’effrayantes hauteurs. Il choque durement et comme à plaisir les idées reçues, ne se tenant pas toujours assez en garde contre le paradoxe, et faisant presque des dogmes de certaines doctrines qui ne sont que des vérités relatives ou restent dans le domaine de la libre discussion. Trop dédaigneux parfois des ménagements que la sagesse conseille, il effarouche par l’imprévu de ses allures et la franchise impérieuse de son langage. Dans son horreur du vice, de