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Les Russes, menacés d’être pris entre deux feux, bientôt s’éloignaient ; mais Larrey resta plus de trente heures sans prendre ni repos, ni nourriture, et il n’y songea qu’après avoir vu tous les blessés pansés.

Après la Révolution de juillet, le troisième jour, une troupe de furieux se porta sur l’hôpital du Gros-Caillou, dans lequel se trouvaient la plupart des blessés de la garde royale. Larrey, prévenu, descend précipitamment, et s’avançant à la rencontre des insurgés, le front haut, le visage intrépide, il leur dit :

— Quels sont vos desseins ? Qui osez-vous menacer ? Sachez que ces malades sont à moi, que mon devoir est de les défendre et que le vôtre est de vous respecter vous-mêmes en respectant ces infortunés.

Étonnés de ce langage, et plus encore de son air et de son attitude, les insurgés paraissent un moment se consulter, puis ils se retirent paisiblement, et dans leurs rangs ce ne sont plus des cris de colère et de haine qui se font entendre, mais des paroles de pitié, et aussi des acclamations : « Au fait, il a raison ! C’est un brave, l’ami des pauvres gens et du soldat ! N’était-il pas le chirurgien de la Grande-Armée ? Vive Larrey ! Honneur à Larrey ! »

À quel point Larrey était populaire dans l’armée et quelle affection avaient pour lui les soldats, on en jugera par cet épisode de la campagne de Russie. Au passage de la Bérésina, alors que l’un des deux ponts s’étant rompu, la foule se précipitait frénétiquement vers l’autre, Larrey, entraîné par la violence du mouvement, se vit pressé, poussé, étouffé, tout près de périr. Par hasard il se nomme, ou peut-être il est reconnu, et