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calomnie. Une enquête fut ordonnée ; le résultat donna pleinement raison au chirurgien en chef, et l’Empereur, après la première contrariété, heureux de lui faire réparation, ou, si l’on veut, de lui rendre justice, dit noblement :

— Larrey, recevez mes compliments, un souverain est bien heureux d’avoir un homme tel que vous !

Le soir même, Larrey recevait le brevet d’une pension de 3 000 francs, avec le portrait de l’Empereur enrichi de diamants.

Sur le champ de bataille de Waterloo, nous retrouvons à son poste l’intrépide chirurgien qui, n’écoutant que son zèle, se laissa entraîner au plus fort de la mêlée, où il fut blessé et fait prisonnier. Dépouillé de ses vêtements, et conduit loin de là de poste en poste, il se vit tout près d’être fusillé ; voici pour quels motifs. La redingote grise qu’il portait sur son uniforme, son teint mat, ses traits mêmes, lui donnaient un faux air de Napoléon. Les soldats, tout fiers et tout joyeux, le conduisirent, comme tel, vers un général prussien, auquel, par avance, on avait annoncé cette importante capture, et qui, furieux de la méprise, ordonna, brutalement, que le prisonnier fût passé par les armes. Déjà les soldats chargeaient leurs fusils, lorsque, par une circonstance providentielle, au moment de s’agenouiller, Larrey fut reconnu par un chirurgien prussien chargé de lui bander les yeux. Amené alors devant Blücher, dont naguère il avait soigné et guéri le fils, il fut immédiatement rendu à la liberté. Blücher, pour le protéger, lui donna une escorte, avec laquelle Larrey se rendit à Louvain, où il se rétablit et put revenir en France, à Paris