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à un combat de la veille ou du matin, soit à opérer des malheureux dont les blessures ne pouvaient se guérir autrement…. Telles sont les fatigues et les douleurs que Larrey eut à souffrir, tels sont les tristes soins dont il fut occupé, tantôt seul et réduit à lui-même, tantôt avec le secours de quelques femmes généreuses et de quelques hommes excellents. » On peut juger quelles ressources restaient pour les blessés quand les hommes valides en étaient réduits à la viande de cheval qui manquait souvent même, ou que, faute de temps ou de feu, il fallait manger crue, saignante, palpitante. Le colonel Thirion, à ce qu’il raconte, dut la vie à certaine petite casserole en argent dans laquelle il recueillait subrepticement le sang des chevaux arrêtés au bivouac dont il faisait ensuite un boudin tel quel.


II


Dans la campagne de 1813, Larrey, convalescent à peine d’une maladie qui avait mis sa vie en péril, se hâta de quitter l’hôpital pour reprendre son laborieux et périlleux service. Un épisode de cette campagne ne doit pas être oublié. Après les batailles de Lutzen et Bautzen, beaucoup des nombreux blessés, conscrits de la veille, avaient les mains tronquées, les doigts coupés. Des officiers prétendaient que ces blessures étaient volontaires, et l’Empereur, inclinant à leur opinion, parlait de faire un exemple. Larrey, au contraire, protestant énergiquement, repoussait l’imputation comme une