« Les hommes, animaux raisonnables, dit M. Loménie, après avoir cité la fameuse page de La Bruyère sur la guerre[1], pour se distinguer de ceux qui ne se servent que de leurs dents et leurs ongles, ont imaginé d’abord les piques, les dards, les sabres, puis les fusils, les canons, les bombes, les obus, tous moyens de s’exterminer plus sûrement, plus promptement et avec plus de fracas. Il ne s’agit pas pour eux, quand ils se battent, de s’arracher les yeux ou de s’égratigner le visage, mais bien de se perforer réciproquement d’outre en outre, de se couper par morceaux, de se briser les membres, de se broyer la poitrine ou la tête ; et tandis qu’ils se massacrent ainsi par milliers dans une plaine au son des trompettes, au roulement des tambours, au rugissement des canons, sous une pluie de fer et de feu, il y en a parmi eux qui courent dans les rangs au plus fort du carnage, sans autre arme que des bistouris, des médicaments et de la charpie, ramassant ceux qui tombent, les soulageant, les pansant, les opérant sur le lieu même, au milieu des balles et des boulets ; puis les
- ↑ Biographies des Contemporains, par un homme de Rien.