Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dogme sacré. Dans le même ouvrage, ils associent les propositions les plus heurtées ou posent des conclusions inconciliables avec les principes établis. N’imputez point à leur intention ces étranges anomalies. Ils ont soutenu le pour et le contre avec la même conviction ; et cette conviction ils la puisaient dans l’exaltation d’un sentiment. Lorsque leur génie se déployait en images, en pensées pleines de grandeur et d’éclat, il était, à son insu, l’esclave du cœur ; esclave habile, ingénieux et produisant, au caprice du maître, des œuvres exquises, des merveilles de l’art.

« Les poètes, les vrais poètes, c’est-à-dire ces hommes doués par le Créateur d’une intelligence élevée, d’une imagination puissante, d’une âme de feu, sont surtout exposés à se laisser emporter ainsi aux impressions du moment. Ils planent quelquefois dans les plus sublimes régions de la pensée, disons même qu’il ne leur est pas impossible de modérer leur vol et de juger avec prudence et discernement ; mais on ne saurait le nier, la réflexion, une grande force de volonté leur sont plus nécessaires qu’au reste des hommes. »

La première fois que je lus, il y a quelques années déjà, dans l’excellent ouvrage de Balmès, El Criterio, très-bien traduit par M. E. Manec[1], ce remarquable passage, il me frappa comme une révélation. Je m’expliquai mieux alors, chez des écrivains illustres, des contradictions qui, plus d’une fois, m’avaient étonné, indigné, et me les avait fait juger avec une sévérité, non pas sans doute injuste, mais qui, quant aux intentions du

  1. Publié sous le titre de : l’Art d’arriver au vrai.