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pensée mélodique devint moins nette, etc. » Ces défauts ne pourraient-ils pas plutôt s’attribuer à la surdité croissante qui ne permettait pas à l’artiste de se rendre compte des détails de son œuvre, quand il ne pouvait guère juger que par l’intellect de ce qui s’adresse sans doute à l’âme, à l’intelligence, mais par l’intermédiaire obligé de l’ouïe ?

D’ailleurs les partisans zélés de Beethoven, le professeur Marx de Berlin par exemple[1], contestent vivement cette appréciation du génie de l’artiste par M. Fétis, dans ce qu’il appelle sa troisième manière. Pour eux il y a toujours progrès dans la carrière du maître. Je ne suis pas compétent pour décider entre ces deux opinions auxquelles il faut en ajouter une troisième, celle de M. Oulibicheff, qui admire presque exclusivement la première manière de Beethoven, estimant les deux autres une décadence progressive ; mais évidemment il se trompe. Ce qui d’ailleurs ne fait pas de doute c’est que l’admiration du public dans toute l’Allemagne, peu préoccupée de ces distinctions, ne fit que s’accroître, et à chaque production nouvelle renchérissait sur son enthousiasme. En 1824, on exécuta à Vienne la composition de Mélusine « œuvre colossale, comme l’appelle M. Dieudonné-Denne-Baron[2]. À la fin de la cérémonie, l’admiration qu’elle avait excitée dans la salle éclata par un tonnerre de bravos ; Beethoven était le seul qui ne les entendît pas. L’une des cantatrices, Mlle Unger, le prit par la main et, le tournant vers le public, lui mon-

  1. Ludwig Van Beethoven, Leben und Schaffen (vie et travaux de Beethoven) — Berlin 1819, 2 vol. in-8.
  2. Notice sur Beethoven, dans la Biographie nouvelle.