Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extérieur par son infirmité, dit Fétis[1], la musique n’existait plus pour lui qu’au dedans de lui-même. Sa vie d’artiste tout entière était renfermée dans ses méditations, et c’était troubler le seul bonheur dont il pût encore jouir que de les interrompre. » Il composait le plus souvent en marchant ; le mouvement du corps semblait favoriser l’activité de son génie. Ses longues promenades dans Vienne l’avaient fait connaître aux habitants des plus humbles quartiers, et l’admiration mêlée de respect qu’inspirait l’artiste n’était pas le privilége des classes élevées. Dès qu’il paraissait dans le faubourg, tout bas on murmurait, dans la boutique comme dans l’échoppe ou l’atelier : Voilà Beethoven ! et l’on raconte que, certain jour, une troupe de charbonniers, courbés sous leurs lourds fardeaux, s’arrêtèrent respectueusement pour le laisser passer.

À dater de l’année 1811, les séjours de Beethoven à la campagne se prolongèrent de plus en plus, et, dans ses longues promenades comme dans la solitude du cabinet, sans négliger son art, il s’occupa beaucoup d’études et de lectures historiques et philosophiques qui, dans l’opinion de Fétis, influèrent sur la direction de ses travaux. « Insensiblement et sans qu’il s’en aperçût, ces études donnèrent à ses idées une légère teinte de mysticisme qui se répandit sur tous ses ouvrages, comme on peut le voir par ses derniers quatuors ; sans qu’il y prît garde, son originalité perdit quelque chose de sa spontanéité en devenant systématique… Les redites des mêmes pensées furent poussées jusqu’à l’excès… La

  1. Biographie des musiciens.