Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tomba, les témoins soldés que cette affreuse exécution avait réunis au Champ de Mars, poussèrent d’infâmes acclamations. »

Maintenant faut-il croire à ces témoins soldés dont parle Arago dans son désir d’innocenter « ce qu’on appelle la populace » ? Faut-il croire à l’intervention de personnes riches et influentes dans les scènes d’une inqualifiable barbarie du Champ de Mars ? M. Arago n’obéit-il point à une idée préconçue, aux exigences de sa position et au mot d’ordre d’un parti quand il dit du ton le plus affirmatif : « Ce n’est point aux malheureux sans propriétés, sans capital, vivant du travail de leurs mains, aux prolétaires qu’on doit imputer les incidents déplorables qui marquèrent les derniers moments de Bailly. Avancer une opinion si éloignée de la vérité, c’est s’imposer le devoir d’en prouver la réalité. »

Et à l’appui de ces paroles il rapporte l’exclamation échappée à Bailly, après sa condamnation, suivant le dire de Lafayette : « Je meurs pour la séance du Jeu de Paume et non pour la funeste journée du Champ de Mars. » Mais comment admettre ces audaces de la réaction, en pleine terreur, quand pour satisfaire une haine posthume, elle s’exposait à tant de périls ? Comment admettre pareille supposition malgré les invraisemblances, plutôt que ces égarements funestes, ces délires de la multitude trop facile à tromper quand on l’excite dans le sens de ses passions, quand elle est prise de la fièvre homicide en dépit de ses naturels et généreux instincts ? N’est-il pas dans notre révolution trop d’exemples, hélas ! de ces effroyables vertiges ! Étaient-ils soldés ceux qui battaient des mains sur le passage de Charlotte