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révolutionnaire, il fut condamné à périr sur l’échafaud. Ramené à la conciergerie, où il resta pendant deux jours encore, Bailly conserva son calme et sa fermeté, et par son langage même, on peut croire que revenu de bien des illusions, désabusé de beaucoup d’erreurs, il se préparait sérieusement à la mort. Quelques-uns de ses compagnons de captivité, se plaignant avec amertume et dans un langage qui semblait trahir une sorte de regret d’être restés honnêtes :

« Consolez-vous, leur dit-il, il y a une si grande distance entre la mort et l’homme de bien et celle du méchant que le vulgaire n’est pas capable de la mesurer. »

Le 12 novembre eut lieu l’exécution, cette exécution qui est un des épisodes les plus lamentables de nos annales, mais qu’il faut rappeler pour la leçon de tous et afin que l’horreur et l’épouvante que soulèvent de telles atrocités en rendent à tout jamais le retour impossible. Parmi les nombreuses versions qui ont été données de ce tragique évènement, nous choisirons de préférence celle de François Arago dont le témoignage n’est pas suspect ; car, après une enquête minutieuse, tout en s’étudiant à rester impartial, par un motif sans doute honorable, il cherche à diminuer plutôt qu’à augmenter l’horreur de la scène : « La vérité, la stricte vérité, dit-il, n’était-elle pas assez déchirante ? Fallait-il, sans preuves d’aucune sorte, imputer à la masse le cynisme infernal de quelques cannibales ?… Je prouverai qu’en rendant le drame un peu moins atroce je n’ai sacrifié que des détails imaginaires, fruits empestés de l’esprit de parti :

« Midi venait de sonner. Bailly adressa un dernier et