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les têtes[1]. Tous les barons et chevaliers, qui là étaient, en pleurant prièrent si acertes que faire pouvaient au roi qu’il en voulut avoir pitié et mercy ; mais il n’y voulait entendre.

… Adonc fit grande humilité la reine d’Angleterre, qui était durement enceinte et pleurait si tendrement de pitié qu’elle ne se pouvait soutenir. Si se jeta à genoux pardevant le roi son seigneur et dit ainsi :

Ha ! gentil sire, depuis que je repassai la mer en grand péril, si comme vous savez, je ne vous ai rien requis ni demandé : or, vous prie-je humblement et requiers en propre don que, pour le fils de Sainte Marie et pour l’amour de moi, vous veuillez avoir de ces six hommes merci.

Le roi attendit un petit à parler et regarda la bonne dame sa femme qui pleurait à genoux moult tendrement ; si lui amollia (amollit) le cœur, car envis (malgré soi) l’eut courroucée au point où elle était ; si dit :

Ha ! dame, j’aimerais trop mieux que vous fussiez autre part qu’ici. Vous me priez si acertes (fort) que je ne le vous ose éconduire (refuser) ; et combien que je le fasse envis, tenez, je vous les donne, si en faites à votre plaisir.

La bonne dame dit : « Monseigneur, très grand merci. » Lors se leva la reine et fit lever les six bourgeois et leur ôter les chevestres (cordes) d’entour leur cou, et les emmena avec elle en sa chambre et les fit

  1. Quel monstrueux abus de la victoire ! La guerre était plus inhumaine alors qu’aujourd’hui.