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    Quant à son temps bien sut le dispenser ;
    Deux parts en fit, dont il soulait passer
    L’une à dormir et l’autre à ne rien faire.

Voici le portrait que D’Olivet, qui avait vécu avec plusieurs des amis du poète, nous a laissé de La Fontaine et qu’on peut croire plus fidèle que celui de La Bruyère, enclin à exagérer :

« À sa physionomie on n’eut point deviné ses talents. Rarement il commençait la conversation, et même pour l’ordinaire, il y était si distrait qu’il ne savait ce que disaient les autres. Il rêvait à tout autre chose sans qu’il pût dire à quoi il rêvait. Si pourtant il se trouvait entre amis et que le discours vînt à s’animer par quelque agréable dispute, surtout à table, alors il s’échauffait véritablement, ses yeux s’allumaient, c’était La Fontaine en personne et non pas un fantôme revêtu de sa figure.

« On ne tirait rien de lui dans un tête à tête, à moins que le discours ne roulât sur quelque chose de sérieux et d’intéressant pour celui qui parlait. Si des personnes dans l’affliction s’avisaient de le consulter, non seulement il écoutait avec grande attention, mais, je le sais de gens qui l’ont éprouvé, il s’attendrissait ; il cherchait des expédients, il en trouvait ; et cet idiot (sic), qui de sa vie n’a fait à propos une démarche pour lui, donnait les meilleurs conseils du monde ; autant était-il sincère dans le discours, autant était-il facile à croire ce qu’on lui disait.

« Une chose qu’on ne croirait pas de lui et qui est pourtant très-vraie, c’est que, dans ses conversations, il ne laissait rien échapper de libre ni d’équivoque. Quan-