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séparer de la pudeur qui doit toujours être leur inséparable compagne. Alors il ne nous faudrait plus soustraire, comme un poison corrupteur, aux regards des jeunes gens et des enfants, une seule des pages du poète de l’enfance et de la jeunesse. »

Dans ses fables[1] mêmes où se trouvent tant d’incomparables chefs-d’œuvre, il est çà et là plus d’une tache qu’il faudrait effacer avant de mettre le livre en des mains innocentes. Il n’en serait point ainsi sans doute si La Fontaine, au lieu de s’abandonner lui-même à tous les hasards de l’existence, comprenant mieux ses devoirs d’époux et de père, eût eu près de lui, pour le consoler, une femme sérieuse, une épouse vraiment chrétienne et dont la piété s’inspirât de l’esprit plus que de la lettre. Supposons le poète dans ces conditions de bonheur, de vie chaste et paisible, au lieu de ces vilains contes, de comédies médiocres, ou du fade roman de Psyché, nous aurions peut-être un volume de plus de fables exquises et de délicieux poèmes.

Cette douce providence du foyer domestique, dira-t-on, ne manqua point à La Fontaine ; car on sait qu’une femme non moins distinguée par l’esprit que par le cœur, Madame de la Sablière, voyant le poète si fort ignorant des choses de la vie pratique et par ce motif souvent dans l’embarras, se plut à le recueillir dans sa maison en lui ôtant tout souci du lendemain. Mais à cette époque, femme du monde et trop du monde, la généreuse bienfaitrice n’était pas un Mentor bien sévère

  1. La première édition, comprenant les six premiers livres, parut en un volume in 4º, chez Claude-Barbin. — 1668.