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sans défense à la curiosité indiscrète, s’unissaient à une impatience singulière de toute contrainte, et d’autant plus difficile à vaincre que lui-même n’en avait pas conscience. Alors, poussé dans ses derniers retranchements, il se tirait d’affaire par une excuse telle quelle, bonne ou mauvaise, il n’importe, mais la première qui lui venait à l’esprit, témoin cette aventure.

Lorsque à la suite des premières brouilles, Madame de La Fontaine se fut retirée à Château-Thierry, Racine et Despréaux représentèrent à notre poète que cette séparation n’était pas décente et lui faisait peu d’honneur ; ils insistèrent pour un raccommodement. Docile à leurs conseils, La Fontaine partit. En descendant de la diligence de Château-Thierry, il se rendit chez sa femme.

« Madame est au salut ! » répondit la domestique qui ne le connaissait point.

— Ah ! fit La Fontaine qui, ennuyé bientôt d’attendre, s’en va rendre visite à un ami lequel l’invite à souper. « La Fontaine bien régalé, comme dit Montenault, s’oublie à table jusqu’à une heure fort avancée et volontiers il accepte l’hospitalité que lui offre son aimable amphitryon. Le lendemain matin, sans plus songer à sa femme, il reprend la voiture publique et revient à Paris. En le voyant de retour, ses amis s’empressent de l’interroger sur les résultats de son voyage :

« J’ai été pour voir ma femme, leur dit-il, mais je ne l’ai point trouvée ; elle était au salut. »

Il faut voir là non, comme l’ont trop répété la plupart des biographes, une distraction un peu forte sans doute, mais bien plutôt l’excuse vaille que vaille d’un homme