ble, témoignait avoir de l’esprit ; déguisait son nom et venait plaider en séparation contre son mari : toutes qualités d’un bon augure, et j’y eusse trouvé matière de cajolerie si la beauté s’y fût rencontrée ; mais je vous défie de me faire trouver un grain de sel dans une personne à qui elle manque. »
Se peut-il rien de plus déplacé que ce langage ? Mais il semble que La Fontaine n’en eût pas conscience, et ce même homme « le plus singulier qui peut-être ait existé » d’après Walckenaer, fait preuve, bientôt après, d’une sensibilité des plus touchantes. En passant à Amboise où Fouquet avait été renfermé d’abord, La Fontaine voulut voir la chambre qu’avait habitée le prisonnier ; « triste plaisir, je vous le confesse, mais enfin je le demandai. Le soldat, qui nous conduisait, n’avait pas la clef ; au défaut je fus longtemps à considérer la porte et me fis conter la manière dont le prisonnier était gardé. Je vous en ferais volontiers la description ; mais ce souvenir est trop affligeant… Sans la nuit on n’eut jamais pu m’arracher de cet endroit. »
À son retour de Limoges, La Fontaine se rendit à Château-Thierry ; il y retrouva la duchesse de Bouillon, Marie-Anne Mancini, nièce de Mazarin, à laquelle il avait été présenté naguère et qui devint dès lors une de ses plus zélées protectrices. « C’était, dit Walckenaer, une brune piquante, plus jolie que belle, vive et même un peu emportée, aimant les plaisirs et animant la conversation par une gaîté spirituelle et des saillies inattendues ; elle avait un goût décidé pour la poésie et même elle faisait des vers. Le désir de lui plaire et