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sur sa vocation et rentra dans le monde. Son père, qui exerçait à Château-Thierry la charge de maître particulier des eaux et forêts, lui céda son emploi en le mariant avec Marie Héricart, fille d’un lieutenant au baillage de la Ferté-Milon, personne qui joignait à la beauté beaucoup d’esprit[1]. D’après ce qu’affirment les biographes, La Fontaine, n’eut pour ainsi dire point de part à ces deux engagements : on les exigea de lui, et il s’y soumit plutôt par indolence que par goût. Aussi n’exerça-t-il sa charge pendant plus de vingt ans qu’avec indifférence.

Et cette indifférence s’accrut avec le goût de plus en plus vif pour la poésie qu’avait éveillé chez La Fontaine, dit-on, l’audition d’une pièce de vers de Malherbe, déclamée avec emphase par un officier en garnison à Château-Thierry. Cette lecture provoqua chez lui une véritable explosion d’enthousiasme. Non-seulement il lut et relut les vers de Malherbe ; mais il les apprit par cœur et s’efforça dans ses premiers essais de l’imiter. « Par bonheur, d’utiles conseils lui ouvrirent les yeux, et l’un de ses parents nommé Pintrel, dit Montenault, homme de bon sens qui n’était point sans goût, mit entre ses mains Horace, Virgile, Térence, Quintilien, comme les vraies sources du bon goût et de l’art d’écrire… À ces livres, La Fontaine joignit ensuite la lecture de Rabelais, Marot, Boccace, l’Arioste. » Pour ces derniers il eût pu mieux choisir et l’influence pernicieuse que ces lectures exercèrent sur le poète n’est que trop visible dans certains de ses ouvrages.

  1. La Fontaine avait alors 26 ans.