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dant voilà un grand vide, qu’on ne peut espérer de remplir de choses solides ; il faut donc que les frivoles prennent la place. Dans cette oisiveté, une fille s’abandonne à sa paresse, et la paresse, qui est une langueur de l’âme, est une source inépuisable d’ennuis.

… Les filles mal instruites et inappliquées ont une imagination toujours errante. Faute d’aliment solide, leur curiosité se tourne en ardeur vers les objets vains, dangereux. Celles qui ont de l’esprit s’érigent souvent en précieuses, et lisent tous les livres qui peuvent nourrir leur vanité ; elles se passionnent, pour des romans, pour des comédies, pour des récits d’aventures chimériques, où l’amour profane est mêlé. Elles se rendent l’esprit visionnaire, en s’accoutumant au langage magnifique des héros de roman ; elles se gâtent même par là pour le monde ; car tous ces beaux sentiments en l’air, toutes ces passions généreuses, toutes ces aventures que l’auteur du roman a inventées pour le plaisir, n’ont aucun rapport avec les vrais motifs qui font agir dans le monde et qui décident des affaires, ni avec les mécomptes qu’on trouve dans tout ce qu’on entreprend.

Une pauvre fille, pleine du tendre et du merveilleux qui l’ont charmée dans ses lectures, est étonnée de ne trouver point dans le monde de vrais personnages qui ressemblent à ces héros : elle voudrait vivre comme ces princesses imaginaires qui sont dans les romans toujours charmantes, toujours adorées, toujours au-dessus de tous les besoins. Quel dégoût pour elle de descendre de l’héroïsme jusqu’au plus bas détail du ménage ! »

Tout cela est-il assez vrai non moins admirable par la sagacité de l’observation, la force et la délicatesse