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en faveur de son pupille. De là un long et curieux procès qui, à cette époque, passionna l’opinion publique, généralement sympathique à l’abbé de l’Épée, et une lutte avec la famille réelle ou prétendue de l’orphelin, reconnu par quelques-uns de ses parents, mais traité par d’autres d’imposteur. Le Châtelet, saisi de l’affaire, admit les prétentions de Joseph et, par deux fois, lui donna gain de cause. Mais la partie adverse, en appela devant le Parlement ; celui-ci supprimé, le procès se trouva suspendu ; dans l’intervalle, les deux seuls protecteurs de Joseph, le duc de Penthièvre, qui lui faisait une pension, et l’abbé de l’Épée moururent, ce qu’on attendait peut-être. Deux ans après, l’affaire ayant repris son cours, les plaidoiries entendues, le nouveau Tribunal de Paris (24 juillet 1792) infirma l’arrêt des premiers juges, et déclara Joseph non fondé dans sa demande, en lui interdisant de porter à l’avenir le nom de comte de Solar.

Le jeune homme, à qui cet arrêt sans appel ôtait toute espérance, seul maintenant, sans appui, sans amis, prit une résolution énergique ; il s’engagea dans un régiment de dragons, partant pour la frontière, et trois mois après il périssait glorieusement sur le champ de bataille. D’autres disent qu’il mourut des suites de ses fatigues dans un hôpital. Tel fut le dénouement de cette aventure étrange, qui reste à toujours une énigme, un problème, ce qui n’empêche pas d’admirer le dévouement du bon abbé, qu’il ait été ou non déçu par les apparences militant, à défaut des preuves décisives, en faveur de son malheureux protégé.

Mais les fatigues et les émotions de ce procès, ajou-