Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Mes pauvres enfants, je vous ai fait tort de trois cents livres au moins. »

Ne sent-on pas ses yeux se mouiller en lisant de telles paroles, aussi bien que l’admirable lettre dans laquelle il remerciait Joseph II de l’offre qu’il lui faisait de demander pour lui une abbaye au roi de France, et dans le cas d’insuccès de lui en donner une dans son empire ? « Je suis confus, Sire, de vos bontés. Si, à l’époque où mon entreprise n’offrait encore aucune chance de succès, quelque médiateur puissant eût sollicité et obtenu pour moi un riche bénéfice, je l’aurais accepté pour en faire servir les ressources au profit de l’Institution. Mais je suis vieux ; si Votre Majesté veut du bien aux sourds-muets, ce n’est pas sur ma tête, déjà courbée vers la tombe, qu’il faut le placer, c’est sur l’Œuvre elle-même : il est digne d’un grand prince de la perpétuer pour le bien de l’humanité. »

Voici comment le bon prêtre avait fait la connaissance de l’empereur. L’abbé de l’Épée disait d’habitude sa messe de fort bonne heure dans la chapelle Saint-Nicolas, à l’église Saint-Roch, sa paroisse. Un matin, au moment de monter à l’autel, il cherche vainement des yeux l’enfant qui, d’ordinaire, servait la messe ; mais bientôt il voit, agenouillé à sa place, un inconnu simplement vêtu, quoique avec un air d’élégance et de distinction, qui, devinant l’embarras du prêtre, s’était offert de lui-même pour suppléer l’absent, ce qu’il fit à l’édification de l’abbé : celui-ci, sa messe et l’action de grâces terminées, remercie l’étranger et l’invite à visiter son établissement. L’inconnu