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dans l’art difficile dont il va sonder les profondeurs inconnues, il est déjà tout prêt à se sacrifier.

À partir de ce jour, il remplira auprès des deux infortunées la place que le P. Vanin laisse vide. Après avoir mûrement réfléchi aux moyens par lesquels il pourra remplacer chez elles l’ouïe et la parole, il croit entrevoir, dans le langage des gestes, la pierre angulaire que le ciel destine à soutenir l’édifice intellectuel du sourd-muet[1]. »

Cet homme de bien, ce zélé prêtre, c’était l’abbé de l’Épée, né à Versailles le 25 novembre 1712, fils d’un expert des bâtiments du roi, chrétien pieux qui, de bonne heure, forma l’âme de l’enfant à la vertu ; mais cependant, contradiction étrange ! par l’instinct de l’égoïsme paternel, il ne vit pas sans répugnance la vocation qui, dès l’âge de dix-sept ans, appelait le jeune homme à l’honneur du sacerdoce. Il fallut à Charles Michel une énergie réelle pour triompher de cette opposition ; mais, dit très-bien son biographe : « Il était écrit au ciel que, nouveau pontife du Dieu vivant, il servirait d’intermédiaire entre le Tout-Puissant et les ouailles égarées qui l’attendaient. »

Par malheur, l’entêtement de certaines idées, et non plus l’opposition de ses parents, vinrent tout à coup l’arrêter sur le seuil même du temple, et, pendant plusieurs années, le détournèrent de sa vocation pour le jeter dans une autre carrière (le barreau), où ses débuts semblaient lui promettre de brillants succès. Mais, sentant bien qu’il n’était point là dans la voie

  1. Ferdinand Berthier, sourd-muet. Vie de l’abbé de l’Épée, in-8º, 1832.