Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle soit dite, la vérité est toujours précieuse, et je vous remercie de ne me l’avoir pas cachée. » Puis posant sur la table une pièce de cinq francs préparée d’avance, il ajouta : « Je suis honteux plus que je ne puis le dire de si mal témoigner ma reconnaissance à un homme comme monsieur le docteur Dupuytren : mais je suis pauvre, et il y a bien des pauvres dans ma paroisse ; je retourne mourir au milieu d’eux. »

Cet accent parvint au cœur de l’homme que le cri de la douleur n’avait jamais troublé ; il se sentit aux prises avec lui-même ; et courant après le vieillard qu’il avait repoussé d’abord, il le rappela du haut de sa porte et lui offrit son secours. L’opération eut lieu. Elle touchait aux organes les plus délicats de la vie ; elle fut longue et douloureuse. Mais le patient la supporta avec une sérénité de visage inaltérable, et comme l’opérateur étonné lui demandait s’il n’avait rien senti :

— J’ai souffert, répondit-il, mais je pensais à quelque chose qui m’a fait du bien.

Il ne voulait pas lui dire : J’ai pensé à Jésus-Christ, mon Maître et mon Dieu crucifié pour moi ; il eût craint de blesser peut-être l’incroyance de son bienfaiteur, et retenant sa foi sous le voile de la plus aimable modestie, il lui disait seulement : J’ai pensé à quelque chose qui m’a fait du bien. À plusieurs mois de là, par un grand jour d’été, le docteur Dupuytren se trouvait à l’Hôtel-Dieu, entouré de ses élèves à l’heure de son service. Il vit venir de loin le vieux prêtre, suant et poudreux, comme un homme qui a fait à pied un long chemin et tenant à son bras un lourd panier.

— Monsieur le docteur, lui dit le vieillard, je suis le