Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

repos non plus que la réflexion au médecin en vogue, ses préjugés, son indifférence ou plutôt son hostilité persistèrent longtemps. Mais enfin, il vint un jour, il vint une heure, heure à jamais bénie, où d’autres pensées, des pensées pour lui bien nouvelles, bien inattendues, tout à coup étonnèrent, inquiétèrent ce grand esprit ; des sentiments qu’il ne connaissait plus, qu’il n’avait jamais connus peut-être, firent soudain palpiter son cœur et dans des circonstances singulières et providentielles. Mais le fait a été si admirablement raconté par un illustre et à jamais regrettable orateur qu’il y aurait présomption à vouloir refaire ce récit où il semble en quelque sorte s’être surpassé lui-même. Je me trouve trop heureux de pouvoir le reproduire tout au long en remettant sous les yeux du lecteur qui m’en saura gré ces pages incomparables. Mon humble prose ne gagnera pas sans doute à pareil voisinage, mais qu’importe !

« Notre âge se rappelle encore la célébrité dont jouissait, il y a un quart de siècle, un homme qui avait porté dans les œuvres de la chirurgie une intrépidité d’âme aussi rare que la précision de sa main. Cet homme, déjà vieux, vit entrer dans son cabinet une figure simple, grave et douce, qu’il reconnut aisément pour un curé de campagne. Après l’avoir entendu et examiné quelques instants, il lui dit d’un ton brusque qui lui était naturel :

— Monsieur le curé, avec cela on meurt.

— Monsieur le docteur, répondit le curé, vous eussiez pu me dire la vérité avec plus de ménagement ; car bien qu’avancé dans la vie, il y a des hommes de mon âge qui craignent de mourir. Mais en quelque manière