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lui arrive assez souvent de citer les poètes, et par un scrupule regrettable, le consciencieux traducteur croit ne pouvoir le bien faire qu’à l’aide du mètre et de la rime. Mais ses vers, les plus hétéroclites du monde, tout en se conformant à la prosodie pour la mesure, sont de ceux qu’aucun vrai poète n’oserait avouer. Pourtant on sent qu’ils ont dû coûter horriblement à leur auteur, et que sur chacun d’eux, bourré de chevilles, il aura, selon l’expression vulgaire, mais énergique, il aura sué sang et eau. Quelle différence avec sa prose si coulante et si savoureuse ! Mais :

Pour lui Phébus est sourd et Pégase est rétif !

Le bon Amyot eut eu besoin sous ce rapport de prendre conseil de son royal élève Charles IX, dont les vers charmants à Ronsard sont dignes du poète.

L’art de faire des vers, doit-on s’en indigner,
Doit être à plus haut prix que celui de régner.
Tous deux également nous portons des couronnes ;
Mais roi, je les reçois, poète, tu les donnes.
Ton esprit enflammé d’une céleste ardeur
Éclate par soi-même et moi par ma grandeur.
Si du côté des dieux je cherche l’avantage,
Ronsard est leur mignon et je suis leur image.
Ta lyre, qui ravit par de si doux accords,
T’assure les esprits dont je n’ai que les corps ;
Elle t’en rend le maître et te sait introduire
Où le plus fier tyran ne peut avoir d’empire.