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Savary, depuis duc de Rovigo, l’un des aides de camp de Desaix, nous dit dans le premier volume de ses Mémoires :

« Le colonel du 9e léger m’apprit qu’il n’existait plus. Je n’étais pas à cent pas du lieu où je l’avais laissé, j’y courus et le trouvai par terre, au milieu des morts déjà dépouillés, et dépouillé entièrement lui-même. Malgré l’obscurité, je le reconnus à sa volumineuse chevelure, de laquelle on n’avait pas encore ôté le ruban qui la liait.

« Je lui étais trop attaché depuis longtemps, pour le laisser là, où on l’aurait enterré, sans distinction, avec les cadavres qui gisaient à côté de lui. Je pris à l’équipage d’un cheval, mort à quelques pas de là, un manteau qui était encore à la selle du cheval ; j’enveloppai le corps du général Desaix dedans, et un hussard, égaré sur le champ de bataille, vint m’aider à remplir ce triste devoir auprès du général. Il consentit à le charger sur son cheval et à conduire celui-ci par la bride jusqu’à Garofolh, pendant que j’irais apprendre ce malheur au premier Consul… Il m’approuva et ordonna de faire porter le corps à Milan pour qu’il y fût embaumé[1] ».

Il n’est pas besoin de dire quelle fut la douleur de la mère et de la sœur de Desaix. Le premier Consul, en témoignant par une lettre à la première de sa profonde sympathie, lui fit remettre le premier quartier d’une pension qui lui était accordée au nom de la patrie reconnaissante. La seconde fut mariée par lui au général Becker, officier très-estimé.

  1. Savary : Mémoires.