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de l’armée d’Orient. S’il eût consulté celle-ci, nul doute qu’elle aurait désigné Desaix, « le plus capable de tous, » comme Napoléon l’écrivait à Sainte-Hélène, mais en ajoutant : « Il était plus utile en France. » Et Kléber lui fut préféré. En même temps Desaix, par une lettre écrite la veille du départ, était invité à s’embarquer pour l’Europe dans le courant de novembre.

Ce ne fut pourtant qu’au mois de janvier (1800) qu’il put effectuer son départ et prendre passage sur un vaisseau neutre, muni en outre d’un sauf-conduit signé par Sidney Smith, en conséquence de la convention d’El-Arish. Malgré ces garanties formelles, dans les eaux de la Sicile, le Saint-Antoine de Padoue, sur lequel se trouvait Desaix avec ses deux aides de camp, ayant été rencontré par la corvette anglaise la Dorothée, les Français furent retenus prisonniers par les ordres de lord Keith, amiral de la flotte britannique. Lord Keith, par le désir de rabaisser la France dans la personne de ses plus braves soldats, fit offrir au patron du Saint-Antoine de Padoue mille guinées s’il voulait déclarer que les marchandises confisquées sur le bâtiment appartenaient aux passagers. L’honnête marin se refusa énergiquement à ce mensonge, dont la proposition fit dire à Desaix :

« Monsieur l’amiral, prenez le navire, prenez nos bagages, nous tenons peu à l’intérêt, mais laissez-nous l’honneur. »

Enfin, par l’ordre du gouvernement anglais, qui se refusa à sanctionner une telle iniquité, les prisonniers furent rendus à la liberté, et peu de jours après, ils débarquaient à Toulon. Pendant son séjour forcé au lazaret, Desaix trompa son ennui par une correspondance