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pas les reproches que méritent parfois ces poètes catholiques à leur manière et trop à la mode du pays. Cette réserve faite, je n’en dirai pas moins qu’il faut, par suite des préjugés ayant cours de son temps, que Corneille connût de Calderon surtout les pièces dites de cape et d’épée, les moins bonnes à notre avis, et n’eut pas feuilleté même ces drames philosophico-religieux, d’une conception si originale et d’une inspiration si haute, malgré les impertinences, les froids bons mots, les lazzis alambiqués et parfois cyniques du Gracioso qui détonnent avec le reste : La Vida es un sueno, la Vie est un songe, le Cisma de Inglaterra, le Schisme d’Angleterre, El Magico prodigioso, le Magicien prodigieux, Los dos Amantes del cielo, les deux Amants du ciel, etc. Parlerai-je de ces fameux : Autos sacramentales particuliers à l’Espagne, par exemple, la Cena de Baltasar, le Festin de Balthasar, La primer Flor del Carmélo, la première Fleur du Carmel, La Vina del Senor, la Vigne du Seigneur etc. Se peut-il, s’il n’eût pas ignoré ces œuvres remarquables, que Corneille n’en fût pas frappé et que, dans l’admiration de cette étonnante poésie, unie à une si prodigieuse richesse d’invention, s’inspirant de tant de traits sublimes, répandus à profusion, et évitant les exagérations de la métaphore et les subtilités du rébus, il n’eût pas multiplié les essais dans le genre de Polyeucte ? Qu’on ne m’objecte pas que le poète écrivait pour le théâtre et qu’il lui fallait consulter le goût du public, contraire, il le savait, à des tentatives de ce genre ? Cette raison n’en devait pas être une pour Corneille, car un génie de sa taille, bien loin de subir les exigences du parterre, ne devait prendre conseil seulement de lui-même, et faire des