Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa femme à son rival ne passât pour un imbécile plutôt que pour un bon chrétien. » Ce ne fut donc pas peut-être « le christianisme qui avait extrêmement déplu » mais l’exagération qui pouvait le montrer sous un jour peu favorable en le rendant odieux ou ridicule.

Le Menteur, la Suite du Menteur, et Rodogune furent jouées avec le même succès que les pièces précédentes de l’auteur. Mais Théodore et Don Sanche d’Aragon réussirent peu, Perthrarite tomba tout-à-fait, et ces trois pièces méritaient leur sort. Le public, formé par Corneille lui-même, en avait bien jugé ; mais le poète, on a regret à le dire, ne sut pas se résigner, aveuglé par la fausse tendresse paternelle. « Méconnaissant l’intervalle immense qui séparait ses chefs-d’œuvre d’un ouvrage si peu digne de lui, dit Villenave[1], il crut voir chanceler dès lors tout l’édifice de sa gloire. Le sentiment amer de l’injustice entra dans son âme ardente et la remplit de douleur ; il accusa le public d’inconstance et renonça au théâtre en se plaignant d’avoir « trop longtemps écrit pour être encore de mode. »

C’est alors que Corneille entreprit la traduction de l’Imitation de Jésus Christ « travail auquel il fut porté par des pères jésuites de ses amis et par des sentiments de piété qu’il eut toute sa vie », et qui l’occupa plusieurs années. Il n’eut pas à le regretter puisque, outre la satisfaction intime qu’il éprouvait dans une occupation selon son cœur, le livre eut un succès prodigieux « et le dédommagea en toutes manières d’avoir quitté le

  1. Notice en tête des Œuvres de Corneille. — Edit. in-8o.