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que ce succès trop éclatant excita contre l’auteur une des persécutions les plus violentes dont l’histoire des lettres et des passions qui les déshonorent ait conservé le souvenir ? Rivaux de gloire, amis de cour, tout jette le masque ; un ministre tout puissant s’était ligué contre le Cid.

Sans contester que le succès du Cid ait dû provoquer des jalousies, doit-on voir là le motif unique des critiques dirigées contre la pièce et en particulier de l’attitude de Richelieu qui n’aurait obéi qu’à une misérable rancune ? Suivant mon habitude de n’accepter que, sous bénéfice d’inventaire les affirmations des biographes quand elles ne s’appuient pas sur des faits indiscutables, dans cette circonstance, je me permettrai de penser autrement qu’eux relativement au cardinal. Il faut bien le reconnaître aujourd’hui qu’on peut tout dire, le Cid, absous par le succès, n’est pas une pièce irréprochable au point de vue de l’art non plus que de la morale quoique disent M. Victorin Fabre et d’autres : « C’était l’un des plus heureux sujets que pût offrir le théâtre ; une intrigue noble et touchante, le combat des passions entre elles, et du devoir contre les passions ; c’était l’art encore inconnu de disposer, de mouvoir les grands ressorts dramatiques, l’art d’élever les âmes et de toucher les cœurs ; en un mot c’était la vraie tragédie. »

Ce jugement, stéréotypé pour tous les manuels littéraires, ne peut s’admettre sans réserve. Assurément la pièce du Cid est une conception des plus dramatiques ; on y trouve et en nombre des scènes émouvantes, et ces admirables dialogues dont le grand Corneille semble