Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en bonne part, ce qui lui valut une admonestation plus sévère du haut personnage. « Vous manquez d’esprit de suite, » lui dit-il entre autres choses, expression qui, à cette époque, signifiait que Corneille n’était pas suffisamment docile ou servile.

Le poète, qui avait dans le caractère quelque chose de la fierté romaine, garda le silence ; mais le lendemain, prétextant que des affaires de famille le rappelaient à Rouen, il demanda son congé et déclara renoncer à sa pension. Le cardinal prit de l’humeur de cette incartade que les envieux et les flatteurs se plurent à exagérer, et de là son mécontentement que le succès inattendu du Cid ne fit qu’exaspérer. Maintenant faut-il, à l’exemple des biographes, qui nous racontent ces détails, la plupart contestables, faut-il prendre parti complètement pour Corneille et donner tous les torts au ministre ? Non, sans doute, Corneille déjà disait de lui-même avec la conscience de son génie :

    Je sais ce que je vaux et crois ce qu’on m’en dit.
    Pour me faire admirer, je ne fais point de ligue,
    J’ai peu de voix pour moi, mais je les ai sans brigue.
    Je satisfais ensemble et peuple et courtisans,
    Et mes vers en tous lieux sont mes seuls partisans ;
    Par leur seule beauté ma plume est estimée :
    Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée ;
    Et pense toutefois n’avoir point de rival,
    À qui je fasse tort en le traitant d’égal[1].

Il n’eut pas peut-être dans la discussion les ménagements que la situation commandait et dont plus tard il

  1. Poésies diverses. — Excuse à Ariste