Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traçait de fantaisie à la même époque, pour justifier ses folles théories. Le passage de La Condamine était fait pour l’embarrasser et le contrarier, surtout à cause de la conclusion qui contredit si formellement le système du philosophe de Genève : « L’homme naît bon, c’est la société qui le déprave. » Or La Condamine répond : « On ne peut voir sans humiliation combien l’homme abandonné à la simple nature, privé d’éducation et de société, diffère peu de la brute. »

De courageux missionnaires cependant s’étaient dévoués à la rude tâche d’évangéliser ces populations dégradées et de faire des hommes de ces brutes. Notre voyageur dut aux bons pères de grands secours et se plaît à le reconnaître. « J’étais attendu à Borja par le R. P. Magnin, missionnaire jésuite, en qui je trouvai toutes les attentions et prévenances que j’aurais pu espérer d’un compatriote et d’un ami. »

« Le missionnaire (portugais) de Saint-Paul, dit-il ailleurs, prévenu de notre arrivée, nous tenait prêt un grand canot équipé de quatorze rameurs avec un patron. Il nous donna de plus un guide portugais et nous reçûmes de lui et des autres religieux de son ordre, chez qui nous avons déjeuné, un traitement qui nous fit oublier que nous étions au centre de l’Amérique de 500 lieues de terre habitées par des européens[1]. »

Pendant que La Condamine, ne pensant qu’à la science, explorait les Cordilières du Pérou, les habitants du pays le croyaient occupé sur ces montagnes à décou-

  1. Abrégé d’un voyage dans l’Amérique méridionale. — in 8°. — 1745.