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de cinquante lieues à son embouchure, s’enfonçant dans la rivière du Para large de trois lieues, échouant contre un banc de vase, obligé d’attendre sept jours les grandes marées, remis à flot par une vague plus terrible que celle qui l’avait fait échouer, et sauvé par où il devait périr ; je ne vous peindrai pas les tempêtes qu’il essuya, les nations inconnues qu’il traversa, tous les dangers enfin menaçant ses jours, tandis que lui, tranquille observateur, seul au milieu de ces déserts, avec trois Indiens, maîtres de sa vie, tenait toujours le baromètre, la sonde et la boussole. »

La Condamine a publié de son voyage une relation intéressante, quoique à la façon d’un résumé. Nous détachons de ce volume quelques pages qui prouvent, avec le talent d’observation de l’auteur, que son style ne manque ni d’agrément ni de facilité :

« Pont suspendu. — Je rencontrai sur ma route plusieurs rivières qu’il fallut passer sur des ponts de cordes d’écorce d’arbre, ou de ces espèces d’osiers qu’on appelle lianes dans nos îles de l’Amérique. Ces lianes, entrelacées en réseau, forment d’un bord à l’autre une galerie en l’air, suspendue à deux câbles de la même matière, dont les extrémités sont attachées sur chaque bord à des branches d’arbre. Le tout ensemble présente le même aspect qu’un filet de pêcheur, ou mieux encore, un hamac indien qui serait tendu d’un côté à l’autre de la rivière. Comme les mailles de ce réseau sont fort larges et que le pied pourrait passer au travers, on tend quelques roseaux dans le fond de ce berceau renversé pour servir de plancher. On voit bien que le poids seul de tout ce tissu, et plus encore le poids de celui qui y passe,