elle-même ? « Chauveau-Lagarde, dit M. Durozoir, sans démentir ni son caractère, ni l’opinion qu’il s’était formée comme citoyen ou comme homme de l’assassinat de Marat » (blâmable au point de vue de la stricte morale), sut remplir noblement sa mission d’humanité. Il prononça en faveur de l’accusée un court mais émouvant plaidoyer, en s’efforçant, chose à peu près impossible d’ailleurs, d’appeler l’indulgence des juges sur sa cliente entraînée, disait-il, comme malgré elle, par le fanatisme et l’exaltation politique. Mais ici il fut interrompu par Charlotte Corday qui, dans un langage énergique, rétablit les faits et maintint le caractère véritable selon elle de son acte accompli, après mûre réflexion, dans la plénitude de la raison et avec une volonté tranquille et résolue, par pur dévoûment à la patrie. Du reste, elle se plut à rendre justice au zèle de son défenseur, et la condamnation prononcée, elle lui dit :
« Vous m’avez défendue, Monsieur, d’une manière délicate et généreuse ; c’était la seule qui pût me convenir ; je vous en remercie et je veux vous donner une preuve de mon estime. On vient de m’apprendre que tous mes biens sont confisqués : je dois quelque chose à la prison, je vous charge d’acquitter cette dette. »
Chauveau-Lagarde s’empressa d’accomplir ce pieux devoir, et avant même que Charlotte quittât la prison pour être conduite à l’échafaud, toujours calme, toujours forte et courageuse, mais revenue de quelques-unes de ses illusions d’après ce fragment d’une lettre à Barbaroux : « Quel triste peuple pour fonder une