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à son talent une nouvelle et plus glorieuse carrière, quand par le triomphe des violents montagnards, jacobins, maratistes, hébertistes, la Révolution, qui avait éveillé tant d’espérances cruellement déçues, fut devenue le régime abominable de la Terreur. Alors que la guillotine, par décret spécial, se dressait en permanence (moins le couperet, retiré tous les soirs) sur la place dite aujourd’hui de la Concorde, la profession d’avocat exposait à de grands périls et, pour les éviter ou les braver, il ne fallait pas moins de courage que d’habileté. Chauveau-Lagarde eut l’un et l’autre, et souvent il ne craignit pas de disputer obstinément à Fouquier-Tainville ses victimes. Plus d’une fois, trop rarement au gré de son désir, il eut le bonheur de les lui arracher comme il fit du général Miranda, acquitté grâce à l’éloquente plaidoirie de son défenseur.

Il fut moins heureux pour d’autres, pour Brissot, pour Charlotte Corday ; mais celle-ci, condamnée à l’avance, pouvait-elle être sauvée « quand, dit un historien, son héroïsme se glorifiait de ce qu’on lui imputait à crime. » Aux questions du président, lorsqu’elle comparut devant le tribunal, elle répondit : « Oui, c’est moi qui ai tué Marat.

— Qui vous a poussée à ce meurtre ?

— Ses crimes.

— Quels sont ceux qui vous l’ont conseillé ?

— Moi seule ; je l’avais résolu depuis longtemps ; j’ai voulu rendre la paix à mon pays.

— Croyez-vous donc avoir tué tous les Marat ?

— Hélas ! non, reprit-elle.

Comment défendre une prévenue qui s’accusait ainsi