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talent s’est encore mieux déployé dans ces écarts.

« Il est certain qu’il aime mieux les erreurs que les vérités dont son livre est rempli, parce que ces erreurs sont plus siennes, il en est plus l’auteur.

« … Il a, pour ainsi dire, toutes ses facultés en dehors, et ne les tourne point en dedans. Il ne se parle point, il ne s’écoute guère, il ne s’interroge jamais, à moins que ce ne soit pour savoir si la partie inférieure de son âme, je veux dire son goût et son imagination, sont contents, si sa pensée est arrondie, si ses phrases sont bien sonnantes, si ses images sont bien peintes, etc., observant peu si tout cela est bon ; c’est le moindre de ses soucis.

« Il parle aux autres, c’est pour eux seuls et non pas pour lui qu’il écrit ; aussi c’est leur suffrage plus que le sien qu’il ambitionne, et de là vient que son talent ne le rendra jamais heureux, car le fondement de la satisfaction qu’il pourrait en recevoir est hors de lui, loin de lui, varié, mobile, inconnu.

« Sa vie est autre chose. Il la compose, ou pour mieux dire, il la laisse s’arranger d’une toute autre manière. Il n’écrit que pour les autres et ne vit que pour lui. Il ne songe point à être approuvé, mais à se contenter. Il ignore même profondément ce qui est approuvé dans le monde ou ce qui ne l’est pas.

« Il n’y a songé de sa vie et ne veut point le savoir. Il y a plus : comme il ne s’occupe jamais à juger personne, il suppose aussi que personne ne s’occupe à le juger. Dans cette persuasion, il fait avec une pleine et entière sécurité ce qui lui passe par la tête, sans s’approuver ni se blâmer le moins du monde. »

Cette lettre, qu’on a le regret de ne pouvoir citer en