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tait immobile et silencieux au milieu de ses amis et de ses admirateurs sans prendre plus de part à ce qui se disait autour de lui qu’il n’en prenait aux plus grands évènements du monde. Pensait-il à ses belles années ? Dans ce cas il faut croire que le brillant souvenir de la jeunesse ajoutait encore à sa peine. Quelles que fussent les idées qui venaient assombrir son visage, il était douloureux de voir ce beau génie sous le poids d’un malheur sans remède et de voir s’éteindre le feu d’une vie de gloire et d’amour dont la flamme ne se ranimait que par instants. »

M. Loménie n’est pas moins affirmatif : « Il croyait peu, il est vrai, au génie de ses contemporains et à la durée de leur gloire, mais il doutait presque autant de son génie et la crainte d’être enseveli dans le commun naufrage des réputations de son siècle et de manquer le but de sa vie, faisait le tourment secret de ses derniers jours… Le sentiment religieux, quoique très vif dans cette âme d’artiste, ne fut jamais assez fort pour lui faire prendre résolûment en mépris la destinée de son nom.

« Tant que la vieillesse ne lui fit point trop sentir ses atteintes, il résista de son mieux aux impulsions de ce caractère malheureux… Mais plus tard, cette caducité, si odieuse à sa poétique imagination, le fit s’abandonner tout entier à une profonde et incurable mélancolie. À mesure que ses facultés faiblissaient, il se repliait sur lui-même et, ne voulant pas qu’on vît son esprit subir comme son corps la pression des années, il s’imposait le silence et ne parlait presque plus[1]. »

  1. Loménie. — Biographie des contemporains par un homme de rien.