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doux ! — Ce n’est pas moi qui suis trop doux, répondait-il, c’est vous, sire, qui êtes trop dur. »

Le roi cependant ne voulut jamais consentir à ce qu’il prît sa retraite bien que, devenu plus qu’octogénaire, le père La Chaise la demandât ; mais y mit-il assez d’insistance ? « Il lui fallut porter le fardeau jusqu’au bout. La décrépitude et les infirmités ne purent l’en délivrer. Sa mémoire s’était éteinte, son jugement affaibli, ses connaissances brouillées, et Louis XIV se faisait apporter ce cadavre pour dépêcher avec lui les affaires accoutumées. »

Ainsi s’exprime Saint-Simon, si peu favorable aux Jésuites. Plus loin il ajoute : « Désintéressé en tout genre quoique fort attaché à sa famille ; facile à revenir quand il avait été trompé, et ardent à réparer le mal que son erreur lui avait fait faire ; d’ailleurs judicieux et précautionné, il ne fit jamais de mal qu’à son corps défendant. Les ennemis même des Jésuites furent forcés de lui rendre justice et d’avouer que c’était un homme de bien, honnêtement né et très-digne de remplir sa place. »

Sa conduite, à l’égard de ses nombreux ennemis, en est la meilleure preuve : « Libelles, couplets satiriques, histoires scandaleuses, dit M. de Chantelauze, ne cessèrent de l’assaillir de toutes parts durant tout le cours de son ministère. Bien qu’il eût en main un pouvoir qui dût inspirer de sérieuses craintes à ses ennemis, il ne se vengea de leurs calomnies en toute occasion que par le silence. Plusieurs puissantes cabales s’élevèrent sourdement contre lui pour le supplanter : il eut l’habileté de les découvrir à temps et de