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MORT DU ROI MORDRAIN

mehaigné, en l’oignant du sang de cette lance, qui est celle dont Longin frappa ton Sauveur en croix.

Ayant dit, l’Homme bénit les trois chevaliers ; puis Il disparut. Et Galaad, écartant le linge qui couvrait le corps gisant dans le lit qu’avaient apporté les pleureuses, découvrit un homme qui paraissait bien avoir quatre cents ans d’âge et qui portait une couronne d’or sur la tête. Il vint toucher de sa main le sang de Notre Seigneur qui coulait de la lance et en oignit Mordrain, lequel retrouva aussitôt la vue et le pouvoir de son corps, qu’il avait perdus par la volonté de Dieu, comme le conte en a autrefois devisé. Le vieux roi se mit sur son séant, les épaules et la poitrine nus jusqu’au nombril, et levant les mains au ciel :

— Beau doux Père Jésus-Christ, dit-il, maintenant je Te supplie de venir me chercher, car je ne pourrais trépasser en plus grande joie qu’à présent : je ne suis plus que roses et lis.

Il prit Galaad dans ses bras, l’étreignit par les flancs, le serra sur sa poitrine, et dans le même instant Notre Sire prouva qu’il avait entendu sa prière, car l’âme lui partit du corps et il mourut, la tête sur l’épaule du bon chevalier.