Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
LE SAINT GRAAL

remis de son premier éblouissement, Lancelot aperçut le Saint Graal sur une table d’argent, recouvert d’une soie vermeille, tout entouré d’anges qui portaient les uns des encensoirs, les autres des cierges, d’autres la croix ou des ornements d’autel, et qui servaient un homme vêtu comme un prêtre, semblant dire la messe et élever l’hostie. À cette vue, Lancelot se mit debout et voulut passer le seuil, mais aussitôt un coup de vent lui vint à l’encontre, brûlant autant qu’un brasier ardent : tout disparut à ses yeux et il tomba comme mort.

Le lendemain, les gens du château le trouvèrent devant la porte, aussi inerte et muet qu’une motte de terre. Ils le portèrent dans un lit très riche où il demeura vingt-quatre jours en transes, sans manger, sans boire, sans remuer, sans sonner mot, car sachez que Notre Sire voulut qu’il perdît le pouvoir de son corps et de ses membres durant autant de jours qu’il avait été d’années au service de l’Ennemi. Enfin il se réveilla, environ midi, vit sa haire qui pendait à une perche et voulut la reprendre, faisant paraître un grand chagrin de l’avoir quittée. Mais le roi Pellès le riche Pêcheur, qui était là, lui dit :

— Beau sire, vous pouvez bien laisser votre haire, car votre quête est achevée. Vous ne saurez pas plus de la vérité du Saint Graal que ce que vous avez vu.