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LANCELOT ET GALAAD

cela, Lancelot fut encore plus joyeux que devant.

Un mois et plus, il navigua sur la nacelle, et si quelqu’un demande de quoi il vécut durant tout ce temps, le conte répondra que Celui qui fit jaillir l’eau de la roche pour abreuver le peuple d’Israël y veilla : chaque matin, en finissant son oraison, quand Lancelot avait prié Dieu de lui envoyer son pain comme le père à son fils, soudain il se sentait plein de la grâce de Notre Seigneur et il lui semblait qu’il était empli de toutes les bonnes viandes du monde.

Une fois que la nef côtoyait une forêt, il entendit un grand bruit de branches rompues et de feuilles froissées, et il vit un chevalier qui galopait sous les arbres aussi vite que son cheval pouvait aller. D’elle-même la nacelle aborda, et le chevalier y entra après avoir dessellé, débridé et chassé son destrier. Et quand il ôta son heaume pour se signer, Lancelot reconnut Galaad. Il courut à son fils, les bras tendus, et tous deux s’accolèrent et l’eau du cœur leur monta aux yeux. Ils voguèrent de compagnie plus d’une demi-année, accostèrent des îles étrangères et menèrent ensemble de merveilleuses aventures à bonne fin par la grâce du Saint Esprit. Mais ce conte du Graal n’en dit rien : aussi bien, s’il voulait rapporter toutes choses comme elles advinrent, il n’en finirait point.