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LES TROIS FUSEAUX

Malheur à qui voudrait changer ces renges, car elles ne doivent être ôtées que par une fille de roi et de reine, et qui demeure pucelle toute sa vie : en leur place elle mettra la chose d’elle-même qui lui sera le plus chère, et elle appellera cette épée par son droit nom et moi par le mien.

Lorsque la pucelle leur eut lu cette inscription, les trois chevaliers se mirent à rire, disant que c’étaient là merveilles. Et ils remarquèrent alors le lit qui était de bois et muni de trois fuseaux : le premier, planté au chevet, était plus blanc que neige neigée ; le second s’élevait en face du premier, et il était plus rouge que sang naturel ; le troisième s’étendait au sommet de ces deux-là, qu’il réunissait, et il était aussi vert qu’une émeraude. Telles étaient les couleurs des trois fuseaux, sans nulle peinture, car ils provenaient tous trois de l’arbre de science dont Ève avait emporté un rameau pour cacher sa nudité quand elle fut chassée du Paradis terrestre ainsi qu’Adam ; et comment cela arriva, puis comment le roi Salomon, par le conseil de sa femme, fit bâtir la nef incorruptible et planta les fuseaux autour du lit sur lequel il plaça l’épée merveilleuse qu’il avait faite ; comment enfin la nef s’en alla toute seule sur la mer, où Nascien y monta et où personne ensuite ne la rencontra plus avant Galaad et ses compagnons,