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LE SAINT GRAAL

colère, tirait son épée et lui défonçait la tête ; après quoi il se mettait en devoir de délacer le heaume de Bohor pour lui trancher le cou, lorsque Dieu voulut qu’un des compagnons de la Table ronde, qui avait nom Calogrenant, vînt à passer par là. Et voyant que Lionel se préparait à tuer son frère, il sauta à terre, le saisit par le bras et le tira si rudement en arrière qu’il le fit tomber.

— Cœur sans frein, êtes-vous hors de sens ? Voulez-vous occire votre frère germain ?

— Et vous, le voulez-vous secourir ? Si vous vous entremettez, je m’en prendrai à vous !

Ce disant, Lionel se relevait et retournait à Bohor.

— Ne soyez point si hardi que d’approcher de lui ! s’écria Calogrenant.

Déjà le furieux lui courait sus, l’écu levé, l’épée au poing. Mais Calogrenant était bon chevalier et de grande force, en sorte que la bataille dura assez longtemps pour que Bohor revînt à lui. Ah ! quel deuil il eut quand il rouvrit les yeux ! Si Calogrenant tuait Lionel, il sentait qu’il ne connaîtrait plus jamais la joie ; si Lionel tuait Calogrenant, qui combattait pour lui, il serait honni à jamais ; et comment les séparer, quand il était lui-même en si mauvais point ? À ce moment, Lionel commençait de prendre le dessus, et l’autre, son écu dépecé, son heaume décerclé, blessé en dix endroits, n’attendait plus que