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LA MORTIFICATION

darioles, beignets, rissoles ; les vins les plus précieux, vin au piment, vin au gingembre, vin aux fleurs, vin rosé, moré, hysopé, claré, vin de Gascogne, de Montpellier, de la Rochelle, de Beaune, de Saint-Poursain, d’Auxerre, d’Orléanais, de Gâtinais, de Léonais, tant de vin qu’il y en eût eu assez pour emplir un vivier et que les garçons et bouviers en laissèrent dans les pots. Mais Bohor se contenta de couper trois tranches de pain, qu’il mangea après les avoir trempées dans un hanap d’argent plein d’eau.

— Beau sire, disait son hôte, ces mets ne vous plaisent-ils point ?

— Si fait, beau sire. Pourtant je ne mangerai aujourd’hui autre chose que ce que vous voyez.

Quand l’heure de dormir fut venue, le vavasseur conduisit Bohor dans une chambre tout illuminée, où il lui avait fait dresser un lit digne d’un roi : couvertures de vair, de petit gris, d’hermine, riches courtepointes, blancs oreillers, coussins, couettes, larges tapis bien ouvrés, rien n’y manquait. Mais Bohor n’accepta pas qu’on fît coucher aucun sergent auprès de lui, dans la chambre, et, quand tout le monde fut sorti, il éteignit les cierges, s’étendit sur le sol, à la dure, mit un coffre sous sa tête, et s’endormit dans la paix de Notre Seigneur après avoir fait ses prières et oraisons.

Et le lendemain, quand l’aube naquit et que le guetteur eut corné, il défit le lit de maniére