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LE SAINT GRAAL

— Ha, sire, mon frère !

— Venez avec moi et vous le verrez.

Et le rendu le mena à quelque distance de là, où il lui montra dans un fourré le corps de Lionel, qui gisait, percé de coups, tout sanglant. À cette vue, quelle angoisse poignit Bohor au cœur ! Il chut à terre tout pâmé.

— Las ! doux frère, s’écria-t-il en revenant à lui, qui donc vous a traité si durement ? Jamais plus je ne connaîtrai la joie !

Ce disant, il prenait le mort dans ses bras et le serrait sur sa poitrine, menant si grand deuil que c’était merveille de le voir. Enfin, il demanda s’il n’était alentour quelque chapelle où l’on pût enterrer Lionel.

— Suis-moi, lui répondit l’homme vêtu d’une robe de religion. Mais tout d’abord sache que cette douleur t’est venue en punition de ton orgueil sans frein. Car tu es semblable à ce Pharisien qui disait en entrant au temple : « Beau Sire Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas aussi mauvais que mes voisins. » Et sache que cet oiseau que tu as vu et qui venait à toi à tire d’ailes signifie une demoiselle riche, belle et de bon lignage, qui t’aimera d’amour et te priera d’être son ami : si tu l’éconduis, elle en mourra de chagrin. Et les oiselets qui ont repris vie lorsqu’ils ont été baignés du sang de leur père, signifient les péchés que sa mort ferait naître : en effet, ce ne serait point par crainte