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LIONEL ABANDONNÉ

la poitrine du bec, qu’il avait aigu et tranchant, si rudement que son sang jaillit. Et les oiselets, baignés de sang chaud, reprirent vie, tandis que leur père expirait entre eux.

Bohor continua son chemin, méditant sur la signifiance de cette aventure ; mais il n’avait pas fait une lieue galloise, qu’il vit passer deux fer-vêtus qui emmenaient son frère Lionel, habillé de ses seules braies, les mains liées, sur un roussin ; et ils le battaient au sang, mais sans lui arracher un cri, tant il était de grand cœur. Et Bohor allait s’élancer au secours de son frère, lorsqu’il aperçut d’autre part un chevalier tout armé, qui emportait une pucelle au plus épais de la forêt.

— Sainte Marie Dame, criait-elle, secourez-moi ! À l’aide !

Alors Bohor fit passer l’amour de Jésus-Christ avant son sentiment naturel, et, sans se soucier de son frère, il se jeta à la poursuite du chevalier qui enlevait la pucelle ; sachez que ce fut là une des choses dont Notre Sire lui sut le plus de gré.

Il vainquit sans peine le ravisseur ; mais, quand il voulut rejoindre ceux qui emmenaient Lionel il ne put les découvrir. Longtemps, il erra sous les arbres ; enfin il rencontra un homme vêtu comme un religieux et monté sur un grand cheval plus noir que mûre, qui lui demanda ce qu’il cherchait.