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LE SAINT GRAAL

où je suis ; c’est pour l’amour d’elle que j’ai accompli ces prouesses d’armes dont on parle. Hélas ! je sais bien que c’est en raison de cela que Dieu s’est courroucé contre moi, comme Il me l’a assez montré !

Et il conta comment un chevalier l’avait abattu sans peine, puis comment le Saint Graal lui était apparu en rêve sans que Notre Sire permît qu’il s’éveillât.

— Je vous dirai la signifiance de ce qui vous est advenu, reprit le prud’homme. La voie de droite, que vous avez dédaignée au carrefour, était celle de la chevalerie terrienne, où vous avez longtemps triomphé ; celle de gauche était la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer des hommes et d’abattre des champions par force d’armes : il s’agit des choses spirituelles. Et vous y prîtes la couronne d’orgueil : c’est pourquoi le chevalier vous renversa si facilement, car il représentait justement le péché que vous veniez de commettre ainsi.

— Las ! sire, dites-moi maintenant pourquoi la Voix cria que j’étais plus dur que pierre, plus amer que bois et plus nu que figuier.

— C’est que la pierre est dure par nature : elle ne peut être amollie ni par feu ni par eau ; et ce feu c’est celui du Saint Esprit qui ne peut pénétrer votre cœur, et cette eau, c’est la douce pluie de Sa parole qui ne peut l’attendrir.