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LE SAINT GRAAL

blanc. À la force des bras, comme il put, le malade se traîna et fit tant qu’il baisa la table et la toucha de ses paupières.

— Beau Sire Dieu, s’écria-t-il, loué soyez-Vous ! Je suis maintenant aussi net et sain que si je n’eusse jamais souffert !

Et tandis que le très précieux vase s’éloignait précédé du candélabre, sans qu’on pût voir qui les portait, l’inconnu se leva guéri, et se tournant vers Lancelot endormi :

— Il faut que ce chevalier soit bien souillé de péchés, s’écria-t-il, pour que Dieu ne lui ait pas permis de s’éveiller et de saluer le Saint Graal ! Quelle honte pour lui !

Là-dessus, il s’empara de la lance, de l’épée, de l’écu et du heaume de Lancelot, comme on fait à un excommunié, sella le cheval, l’enfourcha et piqua des deux.

Quand le dormeur s’éveilla et se mit sur son séant, il ne vit pas trace de la chapelle, ni du chevalier, mais non plus de ses armes et de son destrier, et il entendit une Voix qui lui criait :

— Lancelot, plus dur que pierre, plus amer que bois, plus nu que figuier, comment es-tu si hardi que d’approcher des lieux où se trouve le Graal ? Va-t’en : ici, tout est empuanti par ta présence !

Ce qu’entendant, Lancelot se mit debout et s’en tut à pied par la forêt, la tête basse, sans