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LA COURONNE D’ORGUEIL

le bois frémir derrière lui comme si une tempête se fût levée : c’était un chevalier couvert d’armes blanches qui lui courait sus à toute bride. Il pique des deux à son tour ; mais à la rencontre sa lance se brise comme une branche morte, tandis que l’autre le fait voler par-dessus la croupe de son destrier aussi aisément qu’un enfant ; et il demeure à terre tout meurtri et étourdi pendant que son vainqueur descend, prend la couronne et s’éloigne sans plus le regarder.

Tout dolent, Lancelot remonta comme il put sur son destrier et erra jusqu’à la nuit sans trouver ni maison, ni logis. Alors il dessella son cheval et le débrida ; avec son épée il lui coupa de l’herbe belle et drue au lieu de foin, lui frotta la tête et l’échine de sa cotte d’armes de soie ; après quoi il suspendit son écu à un arbre, ôta son heaume, déceignit son épée et s’endormit tout armé, dessous un chêne.

Or, voici qu’il vit venir en songe une litière où se trouvait un chevalier malade, laquelle s’arrêtait auprès d’une chapelle très antique et ruineuse. On en descendait le malade qui gémissait à cœur fendre, implorant Dieu de lui envoyer le précieux vase qui le guérirait, et si tendrement qu’il était impossible qu’on n’en fût point touché. Alors, au fond de la chapelle, apparut un grand chandelier d’argent où brûlaient six cierges, et derrière le chevalier, sur une table d’argent aussi, le Saint Graal voilé d’un linge