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LE SAINT GRAAL

maison, il s’étendit sous un arbre et s’endormit.

Or, à minuit, il s’éveilla : devant lui se tenait une femme, on ne peut plus belle et avenante, qui lui demanda ce qu’il faisait là.

— Ni bien ni mal, répondit-il, mais, si j’avais un cheval, je m’en irais volontiers.

— Qu’à cela ne tienne ! Je vais t’amener le plus beau destrier qui soit.

Perceval accepta, car il était simple de cœur et ne songeait pas à malice : et la femme rentra dans l’ombre, puis en ressortit presque aussitôt, menant en main un grand cheval, le mieux fait et le plus richement harnaché qu’on ait jamais vu ; sachez en effet que le frein et les étriers en étaient de fin or et les arçons d’ivoire tout gemmé de pierreries et émaillé de fleurettes ; mais l’œil luisait comme un charbon ardent et la robe était si finement noire que c’était merveille de la voir.

D’abord qu’il aperçut ce destrier, Perceval éprouva une sorte d’horreur : mais, preux comme il était, il sauta en selle hardiment, piqua des deux et le cheval partit comme un carreau d’arbalète, de manière qu’en peu de temps il fut bien loin de la forêt. La lune luisait claire et Perceval s’ébahissait à voir passer si vite les bois et les champs ; mais, quand il se trouva à l’entrée d’une obscure vallée au fond de laquelle miroitait un lac noir, et qu’il aperçut que le destrier volait droit vers cette eau sur